vendredi 6 juin 2008

Muhammad Douth en convalescence

Il était dans sa cellule depuis plusieurs mois. Parfois, il sortait avec sa canne nouvellement acquise sur la grève de l'île. On l'avait condamné à de menus travaux de jardinage, mais c'était sans penser qu'il n'y voyait rien. Il était dans ses pensées et la rage qui l'habitait s'était estompée au profit d'une grande peine calme, mais lancinante. Il pleurait souvent, en silence. Il se sentait, d'une certaine manière, apaisé.

Ce qui lui faisait du bien, c'est de saluer les gens et que parfois quelqu'un le prenne par le coude pour le remettre sur le bon chemin, pour lui éviter de se fracasser sur les nouvelles parois vitrées de la cathédrale. Il y avait aussi Brahma Ménard avec qui il parlait souvent. Ça l'ennuyait un peu, car il sentait que B.M. lui accordait ce temps par pitié, d'une part et par surveillance de l'autre. Rien de pire que la commisération. Mais enfin, Muhammad pouvait saisir la part de bien dans les gens et s'y tenir. C'était un peu nouveau puisque sa rage prenait auparavant la majeure partie de son espace. Il savait aussi que les îlois allaient lui offrir un chien pour mieux voir et pour lui tenir compagnie. C'était un espoir qui nourrissait son attente.

Il s'était détendu et se sentait moins enclin à faire douter les autres et lui-même: il voyait plus clairement en lui.

Princesse amour junkie

Encore à plat.
Princesse Amour file au rouet avec son nécessaire à crack sur la table basse. Depuis quelques semaines, elle s'est perdu dans les méandres de ses rêves, attendant le prince charmant, le voulant, le souhaitant, le créant même. Il y a bien ce Duc de l'Orignal qu'elle voit depuis un temps, mais Princesse Amour est possédée de son idéal et de ses plans. Princesse Amour cherche son idéal plus qu'une personne et les personnes, les vraies, ça leur fout les jetons.

Elle s'est mise à déprimer, à consommer, à se perdre dans son château, sur la grève et dans sa tête. C'est qu'elle est seule depuis longtemps...et que les déceptions, les amertumes, les rêves bafoués l'ont affaiblie.

Mais qui arrêtera la Princesse, qui lui fera entendre raison, qui réussira à la mettre dans la voie juste? Enfin, déjà elle va mieux, à force de s'intoxiquer et de vivre dans la radioactivité de la pensée, elle s'est un peu tannée elle-même.

Elle regarde par la fenêtre et voit son reflet défait dans la vitre. Quelle genre de Princesse suis-je? La mine tirée, les cheveux ébouriffés, l'honneur battant pavillon bas...
Elle fixa le lointain et la mer longuement, puis revint dans son alcôve et regarda son métier à tisser. D'une main, elle tint le fuseau et de l'autre y planta son pouce et le retira. Vermeil le sang coula sur son doigt, son avant-bras et macula graduellement le lin qui la recouvrait.

La douleur et la vue de son réal sang la ressaisirent .
Il fallait tout d'abord faire le ménage de sa chambre, ensuite mettre en ordre le château. Par après, elle irait rencontrer Terese Von Wartburg pour lui demander la procédure pour devenir officiellement Reine de l'île et exercer constitutionnellement un position honorifique.

Des fois, c'est tellement plus utile de se blesser soi-même que d'en laisser le soin aux autres.
Parole sante.