mercredi 7 mars 2012

Muhammad et la Reine se mettent, aussi, en quelque sorte, en ménage.

Muhammad avait commencé à trembler quelques mois passés. Son coeur s'était tout d'un coup rempli de crainte et d'inquiétude. Qui était-il? Valait-il assez? Est-il capable? Sera-t-il en mesure d'y arriver? Muni de sa canne et de son chien, il avançait tout de même, mais on le voyait malheureux et finalement, sa démarche devenait hésitante, car déjà handicapé, il doutait de ses perceptions. Ça n'allait pas.

Depuis que la boulangère s'était mise en ménage, la Reine ne chantait plus aussi fréquemment. Elle avait donc plus de temps. Elle était généralement joyeuse dans cette époque de sa vie, et elle ne savait pas trop pourquoi. Sans doute avait-elle lâchée prise sur des envies et des désirs, haussant les épaules aux besoins d'antan, se délestant de la frustration et de la misère de vide inassouvi.

Plusieurs fois par semaine, elle se réunissait avec Muhammad. Elle aimait la compagnie de cet homme posé, avec qui elle pouvait débattre, argumenter, rire. Elle voyait bien qu'il n'allait pas, qu'il se posait des questions inutiles, qui plutôt que de le faire progresser, comme il le croyait, le paralysait, le rendait hésitant.

Ils étaient ensemble et Muhammad parlait de ses doutes, de ses questionnements. La Reine à un certain moment se mit à glousser et changea de siège. Muhammad se tut. Puis, elle passa en arrière de lui et le pinça, toujours en riant.

M: Mais Paula (c'était le nom de la Reine, personne ne le savait à part lui), que faites-vous?
R: Je déconne.
M: Vraiment? Vous...? Une femme si sérieuse?
R: Allez, on va faire une promenade!
M: Où?
R: aucune importance, on bouge!

Ils se mirent à marcher, puis prirent la voiturette de golf royale et ce fut un moment très gai.

R: Muhammad, vous savez quoi? Nous devrions habiter ensemble.
M: Vous croyez?
R: Oui. Pour l'instant, on ne couche pas ensemble, mais dès le matin, on se lève et on se parle. Comme ça, il n'y a pas ces espaces vides où l'on pense pour rien.
M: Vous croyez?
R: Oui, je le crois, de toute manière, dit-elle en souriant, je ne vous laisse pas le choix!
M: Vraiment? en fait, c'est sûrement mieux ainsi!


Le sentier

Évidemment,

Comme tout bon magicien, il disparut aussitôt.

Juste avant de disparaître, il prit une mine contrite et dit, le téléphone sur l'oreille: je me suis trompé de numéro. Et pouf! Disparu! Seulement, un nuage de poussière d'or et une lettre pliée en 4.

Je fus tenté de lire la lettre, mais je l'ignorai. De toute manière, la pauvre chèvre se précipita sur la lettre pensant que c'était de la nourriture qui lui était destinée et commença à la mâcher toujours accompagné de ce regard vide que diffusait ses yeux. Je haussai les épaules en me disant que les histoires des autres pouvaient bien rester dans leur crâne et ne pas confluer avec la mienne.

Je regardai le chemin devant moi ne sachant pas quelle direction prendre. Vers la droite, un chemin de montagne qui semblait fort joli, mais rocailleux et, surement, plus tard, escarpé. (pour quoi??? arriver à la fin du chemin, un magnifique paysage, être seul et m'emmerder?) vers la gauche, une pente douce, accueillante qui mène vers une ville (pour arriver dans un endroit que je ne connais pas bondé de gens???)

Ou encore devant moi, sur cette page que j'écris?

Peut-être, pourrais-je simplement rester ici un temps et écrire des poèmes pour les passants?

Je soupirai tout en regardant la chèvre mâcher la lettre du magicien.

samedi 3 mars 2012

Métamorphose montagnarde

Par un soir de vent modéré, je me suis endormi sur cette chétive île où, à la nage, j'étais arrivé. La chèvre était plutôt discrète et ne béguetait qu'une seule fois par jour, comme si elle possédait un jeton de cri quotidien et que, parcimonieusement, à bon escient, elle devait l'utiliser. Je ne pense pas que tel système existât réellement, mais je ne l'entendis jamais plus d'une fois s'exprimer.

Il ne pleuvait pas, il ne faisait pas froid, mais il ventait. Un vent qui n'était pas assez fort et désagréable pour m'empêcher de dormir, ni non plus pour me caresser et m'enjôler dans un sommeil lourd et porteur. Un vent assez fort pour faire bouger la mèche et l'épi, assez fort pour me jeter du sable au nez comme une fée maladroite ou tout simplement stupide.

Je m'endormis donc. Légèrement agacé.

On ne peut pas dire que ce séjour sur l'île fusse des pires. Il y a bien la fée Morgane armé de son bâton à son et de ses herbes de la nuit sans lune qui vint, aussi le Duc d'Anjou, ses bouteilles, ses tuyaux et ses histoires. Bref, on ne peut pas dire que l'on s'ennuyât. Mais je me demandais en mon sein ce que cette île rêche et sèche pouvait bien m'apporter comme trousseau outre les visites de mes amis.

Je dormis donc dans le giron de cette nuit venteuse, agité par les caprices et les volutes de l'air en mouvement.

Ce fut un contact humide contre ma joue qui me tira du tourbillon nocturne. J'ouvris les yeux et la chèvre me regardait d'une manière neutre et impartiale. Je lui rendis un regard d'adolescent outré, mais fut sidéré de constater que j'étais sur le flanc d'une montagne, une montagne chinoise, que la chèvre avait un pied attaché à une table sur laquelle reposait une assiette avec des croissants, du beurre, de la confiture et du lait.

Juste un peu en retrait, il y avait un magicien, un nain. Il me regardait avec curiosité.

La chèvre portait un collier avec une inscription. C'était écrit: vas-y!