samedi 21 février 2009

Anselme vu, entendu, résolu

Anselme tournait en rond depuis un bout. Il avait des requêtes à faire depuis longtemps. Il est plus vieux. 17 ans et plus patient, mais à un certain moment, on sent son impatience, sa présence et tout le monde devient nerveux, car on a un peu peur de sa force vive. Il m'avait parlé de son désir de sortir de l'île et de devenir pilote d'avion. Terese avait mis du temps à répondre à sa demande en grande partie parce qu'elle devinait les enjeux qu'il soulèverait. Mais après un certain temps, un peu par crainte, un peu par résignation elle acquiesça à sa demande et convoqua une réunion du conseil.

T: Anselme, tu nous a demandé aujourd'hui de nous réunir pour écouter une de tes requêtes. Je crois que tous savent de quoi il s'agit, mais j'aimerais que tu nous l'exposes.

A: Eh! Bien. Je suis le seul jeune homme de cette île. J'ai une soif de sexualité inextinguible et il n'y a personne ici avec qui je puisse faire l'amour, découvrir mon corps et exulter. Je me m'occupe de moi très bien, mais ce n'est pas assez. (Les dames rougissent, les hommes toussotent). Je dois aller dans un endroit qui recèle plus de gens. Au-delà de mes besoins sexuels, il y a aussi le fait que je trouve l'île ennuyante pour un jeune homme comme moi. Il ne se passe jamais rien ici et je n'ai personne avec qui converser qui ait les mêmes considérations que moi. J'étouffe et je ne peux rester ici sans que la qualité et la beauté de mon existence soit en péril. De plus, je n'ai rien à faire qui ne m'allume réellement. Il me faut donc partir, car vous craignez tous de faire entrer plus de gens dans votre île (murmure choqué). Vous avez peur qu'on dérange votre vie, de perdre le contrôle, et j'y vois un peu de mort dans tout ça! sortez, agrandissez, prenez l'air! Voilà: j'aimerais aller à l'école ailleurs. Je veux devenir pilote d'avion. Voyager dans le monde, découvrir, aimer, apprendre et ne pas toujours rester ici, avec vous, sans avenir, sans possibilité d'ouverture. (Il se rassoit)

T: Merci Anselme. J'accède à ta demande. J'ai débloqué des fonds pour que tu puisses aller étudier sur le continent. Tout sera payé pour tes études et ton logement. Je compte sur toi pour financer ta vie sociale.

J'aimerais à mon tour prendre la parole. Je crois qu'Anselme a raison dans ses critiques: nous sommes assez fermé sur nous-mêmes et je crois que plus d'ouverture nous ferait du bien. Insuffler une plus grande énergie dans notre société. Je sais que vous craignez de vous perdre, de ne plus vous connaître et vous reconnaître, de moins sentir l'amitié et l'amour qui vous réunit. Mais vous pourriez vous trouver des conjoints, des amis, des opportunités d'emploi, des objectifs, des destinations-voyages. Nous entreprendrons cela avec calme et esprit progressif. Sachez que vous resterez toujours les maîtres de votre île, quoiqu'il arrive. Les gens pourront y demeurer, mais vous demeurerez souverains. Il n'est pas question de déménager, ni de nous disperser, mais d'ouvrir nos horizons.

Merci à tous et bonne journée.