mardi 25 décembre 2012

L'Institut Supérieur de la Sirène.

La nouvelle avait fait grand bruit.
L'ISS avait décidé d'établir ses nouveaux bureaux sur l'île. Après la difficile année qu'avait connu l'île, ce changement était bienvenu et Terese était soulagée de recevoir les énormes capitaux mensuels qu'ils versaient en taxes et en impôts, capitaux qu'ils versaient avec grâce et désinvolture.

Elle avait rencontré avant qu'ils ne s'installent l'Ogresse Baba et la Fée Cynique qui co-dirigeaient l'ISS. Tout semblait bien aller.

Ils construisirent donc leur immense institut en brique rouge aux fenêtres blanches. Étrangement, le sommet du bâtiment demeurait toujours flou. Il se fondait avec le ciel en un dégradé subtil qui ne permettait pas de voir quelle était la fin et le début de sa partie supérieure. Les habitants de l'île s'en était rapidement aperçu et en avait discuté à voix basse. Ce n'était pas du brouillard, ni du smog (quoique ç'aurait pu l'être), mais plutôt comme si chacun qui regardait la bâtisse devenait soudainement et localement myope. Je crois que ce fut le premier élément qui attira les soupçons tant des habitants de l'ïle que de Terese.

Et puis, juste après l'ouverture officielle (qui n'eut jamais vraiment lieu), Terese et moi décidèrent de venir faire une visite (car on  ne l'avait pas vraiment invitée...). Nous entrâmes par la porte principale. À la gauche un soutien-gorge noir de grand format orné de dentelle jonchait le sol et une serpillère était accoté sur le buste d'un compositeur célèbre. Il y avait aussi une boîte de chocolat de mauvaise qualité qui béait et une souris, dont la cage était ouverte, qui faisait des aller-retour entre sa cage et la boîte. Elle prenait des bonbons qu'elle déballait pour en faire une installation dans sa cage. Ensuite, elle lissait l'enveloppe des bonbons et les repliait pour en faire un petit tas bien rangé. Outre cette souris au comportement étrange, il y avait aussi une araignée en plastique, un fer à friser et une flûte de fête.

C'est à moment que Fée Cynique survola les escaliers du hall, s'approcha de Terese et fit 12 tours rapides en volant autour d'elle, jusqu'à franchement lui donner mal au coeur. Elle se posa ensuite et en atterrissant elle cassa son talon et dit: oh shit en souriant et faisant un geste de désinvolture.

Elle donna un coup de baguette magique, laquelle se transforma pendant quelques secondes en un balai de mauvaise qualité. La peinture du manche écaillait et ses poils étaient émoussés et étonnés. Le soutien-gorge, la souris et sa cage, l'araignée de plastique, la flûte de fête et le fer à friser allèrent valser dans un fracas terrible dans un des coins du hall d'entrée. Elle me souriait, un peu pour m'hypnotiser et pour me rassurer sur la situation, mais aussi pour m'avertir de quelque chose.

On entendait à l'arrière Baba qui hurlait et ensuite les enfants se mettaient à chanter comme des anges de métal. Puis. elle hurlait encore plus fort et on entendait un pupitre exploser en mille miettes et fracas.

La fée cynique souriait en regardant à gauche, puis à droite fixant à tour de rôle l'araignée et la souris. Elle semblait gênée. Et exaspérée.`"Bienvenue à l'ISS!" dit-elle d.un sourire entendu.

Terese et moi même nous regardâmes et comprîmes que quelque chose n'allait pas. C'était angoissant.

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Un jour Baba est venue nous visiter dans nos bureaux. Elle est entrée en fracas, pendant que Terese et moi prenions le thé en parlant d'avenir. Elle s'est mise à hurler en battant les mains du ciel. Ses mots étaient incompréhensibles, en fait c'était des cris informes. Elle était manifestement furieuse, mais on ne pouvait savoir pourquoi! Puis les grondements devinrent encore plus forts et elle se mit à vomir debout et sans fléchir. Elle vomissait comme un geyser de colère. Elle ne vomissait pas parce qu'elle était malade, mais pour nous emmerder et nous terrifier. Une fois le vomi tari. Elle a tourné les talons. Nous étions terrifiés. Qu'avions-nous fait? Accepter des fous pareils dans notre île.
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Puis, avec Satan, j'ai rencontré la fée. Mais c'était une mauvaise idée. Satan n'avait pas apporté son veston-seulement un wife beater- et il se mit à rugir en disant le fond de sa pensée et de son émotion à la fée. Elle abondait dans son sens et Satan s'échauffait devenant furieux et hors de contrôle. Moi, je voyais les informations qui filtraient et je voyais tout le pouvoir que nous perdions. Satan après les entrevues devenait incontrôlable.


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C'était un désastre.
Mais maintenant, l'ISS était notre principale source de revenu. On ne pouvait s'en passer. Désespoir.

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Il y eut des moments difficiles. Je devais être employé pour être le concierge de leur bâtisse. Ça me rendait si triste et déprimé. J'ai démissionné: ça n'en valait pas la peine. Je fus au chômage pendant un temps.

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Puis, un jour, je vins leur porter un chèque. La fée était ravie et Baba soulagée. 2500$.
Et puis tout le monde se calma. Où avais-je trouvé l'argent? Dans un coffre. Le chèque était déjà écrit depuis fort longtemps. Mais ce n'était pas mon argent. Il semblait provenir de moi, mais je savais qu'il n'était absolument pas de moi. Pendant ce temps, on publia un article sur mon travail ¸l'étranger et la fée le trouva. On commença à me respecter. Et je me fis de plus en plus absent et même parfois transparent.

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Mais.

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Mais, j'ai envie un jour de vomir la même quantité de vomi qu'ils sont venus vomir dans mon château. Et j'hurlerai aussi fort. Mais ensuite, je leur dirai comment ils sont méchants ou atroces, je leur expliquerai si clairement que leurs tympans vont exploser, que leur cervelle va s'écouler. Ou pire, je resterai de glace et en 2 paroles et une action, je les entraînerai à une perte dont ils ne se relèveront pas même après 1000 ans d'efforts constants. C'est de la vapeur dans mon ventre avec de la radioactivité. Tant de haine pour m'avoir trompé, avoir essayé de me maltraiter.

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Mais ce n'est pas trop grave. Parce que ça ne durera que très peu. Ce sera beaucoup mieux après. Jabba et sa fée sciée disparaîtront pour toujours et à jamais dans une poussières d'anges partis en hélicoptère. Je leur souhait à eux aussi la liberté d'un chant sans entraves.

mercredi 7 mars 2012

Muhammad et la Reine se mettent, aussi, en quelque sorte, en ménage.

Muhammad avait commencé à trembler quelques mois passés. Son coeur s'était tout d'un coup rempli de crainte et d'inquiétude. Qui était-il? Valait-il assez? Est-il capable? Sera-t-il en mesure d'y arriver? Muni de sa canne et de son chien, il avançait tout de même, mais on le voyait malheureux et finalement, sa démarche devenait hésitante, car déjà handicapé, il doutait de ses perceptions. Ça n'allait pas.

Depuis que la boulangère s'était mise en ménage, la Reine ne chantait plus aussi fréquemment. Elle avait donc plus de temps. Elle était généralement joyeuse dans cette époque de sa vie, et elle ne savait pas trop pourquoi. Sans doute avait-elle lâchée prise sur des envies et des désirs, haussant les épaules aux besoins d'antan, se délestant de la frustration et de la misère de vide inassouvi.

Plusieurs fois par semaine, elle se réunissait avec Muhammad. Elle aimait la compagnie de cet homme posé, avec qui elle pouvait débattre, argumenter, rire. Elle voyait bien qu'il n'allait pas, qu'il se posait des questions inutiles, qui plutôt que de le faire progresser, comme il le croyait, le paralysait, le rendait hésitant.

Ils étaient ensemble et Muhammad parlait de ses doutes, de ses questionnements. La Reine à un certain moment se mit à glousser et changea de siège. Muhammad se tut. Puis, elle passa en arrière de lui et le pinça, toujours en riant.

M: Mais Paula (c'était le nom de la Reine, personne ne le savait à part lui), que faites-vous?
R: Je déconne.
M: Vraiment? Vous...? Une femme si sérieuse?
R: Allez, on va faire une promenade!
M: Où?
R: aucune importance, on bouge!

Ils se mirent à marcher, puis prirent la voiturette de golf royale et ce fut un moment très gai.

R: Muhammad, vous savez quoi? Nous devrions habiter ensemble.
M: Vous croyez?
R: Oui. Pour l'instant, on ne couche pas ensemble, mais dès le matin, on se lève et on se parle. Comme ça, il n'y a pas ces espaces vides où l'on pense pour rien.
M: Vous croyez?
R: Oui, je le crois, de toute manière, dit-elle en souriant, je ne vous laisse pas le choix!
M: Vraiment? en fait, c'est sûrement mieux ainsi!


Le sentier

Évidemment,

Comme tout bon magicien, il disparut aussitôt.

Juste avant de disparaître, il prit une mine contrite et dit, le téléphone sur l'oreille: je me suis trompé de numéro. Et pouf! Disparu! Seulement, un nuage de poussière d'or et une lettre pliée en 4.

Je fus tenté de lire la lettre, mais je l'ignorai. De toute manière, la pauvre chèvre se précipita sur la lettre pensant que c'était de la nourriture qui lui était destinée et commença à la mâcher toujours accompagné de ce regard vide que diffusait ses yeux. Je haussai les épaules en me disant que les histoires des autres pouvaient bien rester dans leur crâne et ne pas confluer avec la mienne.

Je regardai le chemin devant moi ne sachant pas quelle direction prendre. Vers la droite, un chemin de montagne qui semblait fort joli, mais rocailleux et, surement, plus tard, escarpé. (pour quoi??? arriver à la fin du chemin, un magnifique paysage, être seul et m'emmerder?) vers la gauche, une pente douce, accueillante qui mène vers une ville (pour arriver dans un endroit que je ne connais pas bondé de gens???)

Ou encore devant moi, sur cette page que j'écris?

Peut-être, pourrais-je simplement rester ici un temps et écrire des poèmes pour les passants?

Je soupirai tout en regardant la chèvre mâcher la lettre du magicien.

samedi 3 mars 2012

Métamorphose montagnarde

Par un soir de vent modéré, je me suis endormi sur cette chétive île où, à la nage, j'étais arrivé. La chèvre était plutôt discrète et ne béguetait qu'une seule fois par jour, comme si elle possédait un jeton de cri quotidien et que, parcimonieusement, à bon escient, elle devait l'utiliser. Je ne pense pas que tel système existât réellement, mais je ne l'entendis jamais plus d'une fois s'exprimer.

Il ne pleuvait pas, il ne faisait pas froid, mais il ventait. Un vent qui n'était pas assez fort et désagréable pour m'empêcher de dormir, ni non plus pour me caresser et m'enjôler dans un sommeil lourd et porteur. Un vent assez fort pour faire bouger la mèche et l'épi, assez fort pour me jeter du sable au nez comme une fée maladroite ou tout simplement stupide.

Je m'endormis donc. Légèrement agacé.

On ne peut pas dire que ce séjour sur l'île fusse des pires. Il y a bien la fée Morgane armé de son bâton à son et de ses herbes de la nuit sans lune qui vint, aussi le Duc d'Anjou, ses bouteilles, ses tuyaux et ses histoires. Bref, on ne peut pas dire que l'on s'ennuyât. Mais je me demandais en mon sein ce que cette île rêche et sèche pouvait bien m'apporter comme trousseau outre les visites de mes amis.

Je dormis donc dans le giron de cette nuit venteuse, agité par les caprices et les volutes de l'air en mouvement.

Ce fut un contact humide contre ma joue qui me tira du tourbillon nocturne. J'ouvris les yeux et la chèvre me regardait d'une manière neutre et impartiale. Je lui rendis un regard d'adolescent outré, mais fut sidéré de constater que j'étais sur le flanc d'une montagne, une montagne chinoise, que la chèvre avait un pied attaché à une table sur laquelle reposait une assiette avec des croissants, du beurre, de la confiture et du lait.

Juste un peu en retrait, il y avait un magicien, un nain. Il me regardait avec curiosité.

La chèvre portait un collier avec une inscription. C'était écrit: vas-y!

jeudi 16 février 2012

Floush

Je suis sorti de l'eau. Salée.
C'est la mer. J'ai nagé longtemps. Très longtemps.
Je suis parti de l'île en septembre. Pour aller vers un territoire meilleur.
Et puis j'ai beaucoup nagé. L'eau était froide. Un peu houleuse. Mais rien qui pouvait menacer ma vie.
Je nage bien. Mais des fois, je suis fatigué et aussi ça m'emmerde.

Il y a quelques semaines, je suis monté sur une île, pas plus grande que moi.
J'ai respiré un peu. Ça m'a donné courage: il y a des îles! me suis-je dit. Je commençais à penser que j'aurais nagé toujours. Puis, j'ai replongé, plus détendu.

On m'a bien parlé de certains territoires, mais je ne sais pas clairement où ils sont ou encore ce qu'ils valent...mais j'y vais.

Cette nouvelle île est plus grande. Je peux tout de même voir le début et la fin. Plus longue que large.
Il fait tout de même chaud. Il y a des escargots et aussi une chèvre. UNE chèvre. De l'herbe salée, des arbustes, une table et du papier.

Ça m'apaise un peu."Bon, il y a des îles plus grandes."
Mais ce serait con d'y rester. Je peux faire un feu. Boire le lait de la chèvre et la manger avant de quitter. Pauvre chèvre. Je n'aimerais pas être à sa place. Juste un peu, je vais rester; question de faire mes forces, de me donner espoir et de m'y ennuyer.  Après, je repartirai.

dimanche 12 février 2012

La boulangère se met en ménage

Ça se fit plutôt simplement:
Un jour, il arriva avec un bouquet de fleurs blanches qu'il avait acheté, agrémenté de fleurs des champs cueillies au passage et avec soin. Il était grand et assez bâti. À ce qu'il lui a raconté par la suite, il l'avait observée pendant des mois- elle, elle ne l'avait jamais vu-  au marché, avec ses copines chanteuses, à la boulangerie, joyeuse et sérieuse, toujours courtoise, à l'église pendant les prières où elle affichait une mine pensive, à la librairie lisant avidement les synopsis des livres, soupesant son envie avant, parfois, d'acheter; il l'avait donc cartographiée avant de faire son geste d'offrande florale.

Elle lisait à sa fenêtre quand il arriva bouquet en main.  Elle le vit ramassant des papiers qui jonchaient le sol, laissés par des passants insouciants et mal élevés. Son coeur eut un sursaut, ne serait-ce qu'une fraction de seconde, un sursaut comme une bal au bond, comme une frayeur qui se détend, comme un chat croqué au vol par un polaroïd bruyant, comme le seul clic d'un métronome pris du hoquet.

Clac, fit la clanche de la porte, le bouquet pénétrant en premier et l'homme en deuxième.

dimanche 8 janvier 2012

La marieuse

Terese est assise à son bureau.
Elle retourne au travail demain.
Agrandir l'île? Transporter l'île ailleurs? Transporter la population de l'île ailleurs? Changer la vocation de l'île?
Mais y a-t-il une urgence? Pas vraiment. Seulement un malaise, une morosité.

Mais elle signe soudainement un papier. C'est le certificat d'immigration des conjoints des îliens. Oui, Terese a décidé de marier tout le monde. Tous ont besoin de bonheur et de chaleur, sauf sans doute Satan qui aime mieux sauter d'un coeur à un un autre. Cela fera du bien et détendra l'atmosphère. Et gardera tout le monde un peu occupé pour un temps.

J'ai bien hâte de voir, dit-elle.