mercredi 30 avril 2008

Muhammad interrogé

Dans le sous-sol de la Chapelle, Terese et Brahma sont assis derrière une table. Devant eux se dresse une lumière vive qui aveugle le prisonnier ligoté à sa chaise. C'est Muhammad Douth, le terroriste qui est ainsi séquestré. Son lance-missile portatif à côté de lui. Terese porte les bottes de cavalière de suède beige et tient sa cravache à la main.

Muhammad porte les lunettes fumées et un turban blanc un peu mal fait; blanc, sans être immaculé. Sa colère irradie tels des charbons rougeoyants. On ne voit pas ses yeux derrière ses lunettes, mais on sent bien que son regard perce le verre et les âmes.

À l'arrière Princesse Amour recopie les entretiens et doit donner les premiers soins si jamais Terese cravachait trop fort. En voici le transcript:

T: Qui êtes-vous?
M: Je suis l'envoyé de l'Unique.
B: Qu'êtes-vous venus faire ici?
M: Chercher le vrai, purifier!

Terese vient pour le cravacher, mais Brahma lui fait un bref signe de tête exprimant la négative.

B: D'où venez-vous?
M: (Le prévenu semble déstabilisé) Euh, de loin.
B: Mais de où précisément.
M: (Il semble égaré) Je ne sais plus. Ça fait bien longtemps que je suis parti d'où je viens...
B: Depuis combien de temps?
M: (Son égarement perdure). Je ne sais plus, longtemps. J'ai perdu le fil au cours du temps.
B: Alors, si je comprends bien vous êtes partis il y a longtemps d'un endroit lointain avec comme mission de chercher le vrai.
M: Oui, c'est cela!
B: Qui vous a donné cette mission?
M: Je ne sais plus, ma communauté, moi-même, des gens influents.
B: Vous vous êtes mis en quête pour trouver le vrai?
M: Oui!
B: Et qu'est-il arrivé ensuite?
M: Je ne sais plus, j'ai marché longuement. Et je cherchais le vrai, puis je ne le trouvais pas et je poursuivais ma route. Je me suis fatigué à force de le chercher. Ensuite, je me suis mis à douter: vais-je le trouver, où est-il, vais-je être capable de le trouver? Et je suis devenu triste parce que j'étais seul dans ma quête, et là je me suis perdu, je ne trouvais plus mon chemin et la seule possibilité était de continuer à aller en avant. Mais mes questions m'ont suivi et je suis devenu très fâché. Et puis, j'ai rencontré ce fourbe chinois et nous avons pris un navire ensemble, vous nous avez capturé et je suis ici.
T: Voulez-vous nous détruire
M: OUI! Je n'ai malheureusement plus de missile dans mon lance-missile alors j'utilise mon verbe en instillant le doute en vous en vue de vous faire exploser du dedans!
(Bruit de cravache)
B: Mais qu'y gagnerez-vous?
M: (Il soupire) Et bien, je pourrais peut-être me débarrasser de mon propre doute, de ma colère, de ma tristesse.
B: Pensez-vous?
M: Non.
B: De quoi avez-vous besoin? (Terese soupire)
M: Moi?
B: Oui, vous?
M; Sans doute, de repos, du même endroit pendant un temps, de voir la mer, d'enlever mon turban et de faire guérir mes yeux.
(Il ôta ses lunettes et derrière on vit des yeux voilés, aveugles)
Vous voyez, je ne vois plus. Je ne sais plus trouver ce qui est vrai. Il ne me reste que mes questions.
(Des yeux opaques jaillissent des larmes. Il baisse la tête).

Tous restèrent silencieux, tristes et dépités.


La princesse, Terese et Brahma chuchotèrent ensemble pendant un moment. Et puis Terese prit la parole, Brahma se tenant à côté d'elle:

Voici notre verdict: nous allons confisquer votre lance-missile, nous vous logerons au frais des îliens contre de menus travaux de jardinage, vous aurez une chambre qui donne sur la mer et vous serez interdit de question pour les 6 prochains mois. En échange de cela, nous vous fournirons un chien pour vous guider et nous tenterons de guérir votre cécité. Sinon, nous vous jetterons à la mer après vous avoir cravacher de tout mon saoul.
Elle asséna un violent coup sur la table faisant voler en éclat l'ampoule qui illuminait la scène. Elle tourna les talons et quitta la salle avec furie.

M: Elle est souvent comme ça?
B: Souvent.

dimanche 27 avril 2008

Terese travaille

Ils est bien passé minuit et Terese enlève d'une nonchalance précise ses escarpins en daim . Elle ouvre la carafe remplie de whisky et s'en verse un verre. Il se fait tard: deux glaces. Le bureau de Terese est situé dans le clocher de la Chapelle. Elle a ainsi une vue d'ensemble sur l'île et peut regarder les agissements de tout un chacun. Tutti dormono, se dit-elle. Mofa son gros chat angora blanc s'amène et se frotte sur ses pieds libérés. "Débarasse, sale crotte" lui crit-elle en l'envoyant valser à l'autre bout de la pièce. Le chat se tourne et feule les poils hérissés. Terese feule back et sourit à l'animal furieux. "Merci, Mofa, tu me rappelles qu'il est toujours mieux de choisir ses ennemis et de les garder bien à la vue!"

Terese trime dur depuis quelques temps. Elle a déployé de grands papiers remplis de dessins sur son bureau en acajou. Elle étudie des plans, pense, aligne des chiffres et rêve. Terese, malgré sa sévérité est une rêveuse ambitieuse et réaliste. Quand elle rêve, elle flatte Mofa et les deux sont en bonne entente. Le chat ronronne d'aise et oublie les violences de sa patronne.

En fait Terese cherche à capitaliser, à bâtir de la richesse et à créer de l'espace. À long terme, elle veut créer des projets ambitieux ET rentables. Elle y arrivera. Aucun doute. Elle est armée de son intelligence, de ses stratégies et d'une bonne dose de charme et de puissance.

Elle ne sait toujours pas quel sera son nouveau projet. Elle n'est pas pressée: quand il sera mur, elle mettra les rouages en action; pour le moment, elle songe.

Capitaine Ponton répare le Brisbane II

La trappe de la cale est ouverte et en sort un tintamarre de ferraille et de juron. Le capitaine Ponton répare le moteur du Brisbane II qui est en panne depuis quelques semaines. C'est à force d'affronter la haute mer que le moteur s'est fatigué, que des pièces se sont érodées et que les engrenages se sont enrayés. C'est long réparer un moteur: il faut analyser, trouver le problème, le nommer, trouver la façon de le réparer, trouver les pièces de remplacement et les poser. Ensuite, on décide de l'itinéraire et on repart.

Je suis assis à côté du Capitaine Ponton sur le pont et je suis un peu découragé. "Ça avance?" dis-je. "Ça avance" répond-il.
Je soupire.
"Écoute, il fait beau, tu es avec Louis-Michel, le chalet est joli, le quai est accueillant, profites-en! Je vais finir par réparer le moteur et ça ne donne rien de s'en inquiéter...ça ne le réparera pas plus..."

"Je n'aurais pas dû rester en haute mer aussi longtemps", me lamentai-je. "Peut-être, mais rappelle-toi tous les bijoux, les coffres, les pierres précieuses que nous avons pêchés, ce n'est pas rien! Il faut que tu ailles parfois ouvrir la remise pour t'en rappeler et t'en satisfaire. Et puis tout cela est une question d'équilibre: un peu de haute mer, de caraïbes, de lagune, de canaux intérieurs."

Et puis, il repartit pour poursuivre sa réparation. À un moment, je l'entendis pousser un hurlement de satisfaction. Il ressortit de la cale avec une pièce tordue, une souris morte et un sourire.

Journ'île, Édition du dimanche 27 avril: Girouette

Aujourd'hui nous avons assisté au dernier orage de poulet: Satan, Terese et Gontran avait mis en application la directive secrète C-31 du Conseil de l'île à l'effet de poser des broches sur les toits de la Chapelle et de la Cathédrale. Lors du début de l'orage, les effets de la directive furent instantanés: les poulets tombant du ciel se sont immédiatement empalés sur les broches protégeant les toits de nos institutions et nous munissant de très jolies girouettes pour montrer la direction du vent. Bravo!

lundi 21 avril 2008

L'achèvement de la cathédrale

Pendant quelques semaines les habitants de l'île se relayèrent pour défaire la façade de la cathédrale. Pierre par pierre, ils évidèrent la paroi pour ne laisser que les pilastres porteurs. Gontran supervisait les travaux et avait troqué le heaume pour le casque de construction blanc. Vers midi, le vitrier vint et on combla les espaces créés par des vitres sans couleur. L'effet était spectaculaire: le soleil pénétrait dans l'antre gigantesque et éclairait chaque détails de la construction. La lumière de l'astre avait également eu pour effet d'assécher l'espace et de faire disparaître l'odeur de moisi qui fleurait subtile dans le lieu.

Gontran fit ensuite installer une grande scène surélevée qui occupait toute l'entrée de la cathédrale. Elle devait servir à créer des passions et des spectacles épiques. Il était fort aise.

Lorsque les ouvriers finirent de l'installer, ils sortirent de la cathédrale pour entrer chez eux. C'est à ce moment que Satan Brossard revenait de sa promenade d'après-midi où il partait en forêt pour faire peur aux animaux. Il fut intrigué par la sortie de ceux-ci et curieux de voir les nouveaux aménagements faits à la cathédrale.

Il entra et vit la scène majestueuse se déployer devant ses yeux. Les autres habitants de l'île étaient réunis pour contempler l'aspect de leur nouvel espace et les effets de leurs efforts concertés. Ils étaient souriants et satisfaits de voir le lieu s'alléger et s'illuminer. Bien qu'ils fussent ébahis par l'espace, c'est la surprenante réaction de Satan qui les étonna encore davantage: il était figé , interrompu, les yeux injectés de sang et le souffle coupé. Ensuite, tout se passa très vite: il se mit à avancer d'un pas furieux, en une droite d'un rectiligne parfait, monta sur la scène, se plaça en plein centre, ouvrit grand les bras vers le ciel. De son bas-ventre, on entendit sourdre un appel qui remonta vers sa gorge pour faire exploser ses lèvres et rejaillir dans toutes les langues de la terre disant: "je me meus, j'émeus, je suis verbe". Puis sa petite carcasse dure et rouge se transforma en guépard qui en courant vite se transforma en aigle pour se mettre à voler dans un vrombissement de cri strident emplissant l'espace de son et de mouvement et ensuite, dramatiquement faire un piqué et s'écraser sur scène pour retrouver sa forme originale, évanoui.

Tous étaient médusés du spectacle. Tous sauf Terese, qui opéra un demi-tour pour faire face à ses compatriotes et dit: "Sachez maintenant que Satan est un homme de Théâtre". Elle releva un peu plus la tête et continua" C'était à prévoir". Elle fit de nouveau demi-tour et quitta, faisant retentir ses pas sur le marbre indifférent et luisant.

jeudi 17 avril 2008

Un polaroid

Satan se promène sur l'île. Il regarde ce qui l'entoure, fait peur aux oiseaux, salue les passants, regarde les détails dans la Chapelle. Des fois, il prend des poses et joue un personnage. Il se raconte des histoires et les habite. Il aimerait bien voyager et visiter de nouveaux lieux. Il met des fois son débardeur bleu pour se pratiquer à parler, il l'ajuste dans un miroir et regarde quel air ça lui fait. Je ne sais pas s'il s'ennuie, mais il cherche quelque chose à faire. Satan est beaucoup plus heureux depuis quelques années, il s'émancipe et prend de l'aise. Étonnement, les gens l'aiment beaucoup, parce qu'il est entier et drôle.

La princesse a un peu engraissé et s'ennuie officiellement. Elle n'a pas trouvé le souverain de son coeur, quelqu'un avec qui faire des enfants, quelqu'un à aimer, une voie dans laquelle s'inscrire. Elle se demande si Gontran le chevalier pourrait être sa moitié, mais rien ne surgit.

Terese s'occupe des comptes et ne se soucit pas trop. Elle attend le moment propice pour capitaliser et investir, mais aucun investisseur ne s'est encore présenté. Elle est patiente et attentive.

Jean courtemanche se donne pleinement aux modèles miniatures, sous l'oeil bienveillant et indifférent de son épouse Réjeanne.

Louis-Michel se lime les ongles et écrit sa biographie. Il s'est acheté un ensemble Prada en lin et le regarde plusieurs fois par jour.

Adrianna Gourd a des gaz. Elle n'est pas trop en forme ces derniers temps et prend des médicaments naturels, surnaturels et pharmaceutiques.

Brahma Ménard médite et doute des ses convictions: l'ordinaire, quoi.

Et moi? Moi, je me questionne et je me demande quelle direction prendre. J'arrive à trouver les questions intéressantes, des fois encombrantes, toujours trop présentes. C'est fou comme on se répète. Nous sommes des répétitions variées d'une même histoire. Bien que ce soit la même histoire, on la trouve intéressante et effrayante.

lundi 14 avril 2008

Journ'île, Édition du Lundi 14 avril: Immigrants néfastes

Ce fut à grand renfort de force et de brouhahahah que Gontran, notre pieux chevalier a mis la main sur deux immigrants illégaux venus d'un de ces pays étrangers, plein de mauvaises intentions, de gens sournois et voleurs. Il s'appellent Muhammad douth et Kha-seu. Ils ne semblent pas parler la même langue et venir du même pays, mais proviennent de ce bateau fantôme qui erraient proche de notre littoral. Ils ont été enfermés dans le sous-sol de la chapelle dans deux armoires à balai séparées. Ils sont sous observation. Terese VW les interrogera demain.

Missive de Jean Courtemanche

À: Madame Terese Von Wartburg, présidente du C.A.
De: Jean Courtemanche, ministre sortant du développement

Chère Madame,

La présente est pour vous informer de ma démission en tant que ministre du développement. J'ai constaté lors des derniers mois, une fatigue continuelle et un manque d'envie pour ma position. Je crois que dû à mon âge et mes réalisations (une chapelle et une cathédrale pour notre île), je peux me retirer content. Je suis très fier de ces réalisations et du dynamisme que j'ai pu créer dans notre communauté. Par contre, il est temps pour l'île de connaître d'autres moteurs et que les habitants se solidarisent autour de projets plus proches d'eux. Je sais que vous avez déjà commencé le réaménagement de la façade sud de la cathédrale pour en faire une paroi vitrée: je crois que c'est un bon projet et je vous donne ma bénédiction. Il serait intéressant que l'île se dote de différentes installations (un aqueduc, un théâtre, des maisons et une école) afin que les constructions religieuses soient mieux intégrer dans le paysage.

Je suis fatigué et ai besoin de repos. Je prendrai donc une pause de notre sénat (bien méritée) pour me ressourcer. Je compte faire des modèles à coller et de la peinture à numéro d'ici les prochains mois. Je laisse à vos bons soins les institutions que j'ai construites et serai de retour parmi vous d'ici quelque temps, quand je me serai bien reposé. Alors, je me proposerai comme ministre du loisir et du jovialisme, dans lequel, j'excellerai.

Salutations à tous,

Jean Courtemanche

Jean Courtemanche prend sa retraite

Ce matin Jean se leva, s'assit dans son fauteuil et se sentait déprimé comme depuis un bout de temps. Il changeait les postes de la télévision et s'ennuyait ferme. Il ne cessait de ressasser les évènements des derniers mois et ne réussissait pas à retrouver le goût du travail. Malgré les nombreuses séances de toilettes chimiques confessionales, il ne pouvait songer à son travail sans amertume et avec ressentiment.

Par contre, il trouvait le temps bien long dans sa maison avec Réjeanne qui tournait autour et faisait force ménage. Puis une annonce de planification financière avec en arrière-plan une des constructions qu'il avait réalisée vantaient les mérites de la planification de la retraite. Ses yeux s'ouvrirent grand et il cria très fort:
"Eille Réjeanne! Je vais prendre ma retraite"
Réjeanne arriva en essuyant les restes de pâte à tarte sur le tablier:
"Ah! Oui? Qu'est-ce que tu vas faire?"
Des modèles à coller, m'occuper de mes petits enfants, prendre des marches et tondre le gazon. De la chaloupe aussi.