lundi 21 avril 2008

L'achèvement de la cathédrale

Pendant quelques semaines les habitants de l'île se relayèrent pour défaire la façade de la cathédrale. Pierre par pierre, ils évidèrent la paroi pour ne laisser que les pilastres porteurs. Gontran supervisait les travaux et avait troqué le heaume pour le casque de construction blanc. Vers midi, le vitrier vint et on combla les espaces créés par des vitres sans couleur. L'effet était spectaculaire: le soleil pénétrait dans l'antre gigantesque et éclairait chaque détails de la construction. La lumière de l'astre avait également eu pour effet d'assécher l'espace et de faire disparaître l'odeur de moisi qui fleurait subtile dans le lieu.

Gontran fit ensuite installer une grande scène surélevée qui occupait toute l'entrée de la cathédrale. Elle devait servir à créer des passions et des spectacles épiques. Il était fort aise.

Lorsque les ouvriers finirent de l'installer, ils sortirent de la cathédrale pour entrer chez eux. C'est à ce moment que Satan Brossard revenait de sa promenade d'après-midi où il partait en forêt pour faire peur aux animaux. Il fut intrigué par la sortie de ceux-ci et curieux de voir les nouveaux aménagements faits à la cathédrale.

Il entra et vit la scène majestueuse se déployer devant ses yeux. Les autres habitants de l'île étaient réunis pour contempler l'aspect de leur nouvel espace et les effets de leurs efforts concertés. Ils étaient souriants et satisfaits de voir le lieu s'alléger et s'illuminer. Bien qu'ils fussent ébahis par l'espace, c'est la surprenante réaction de Satan qui les étonna encore davantage: il était figé , interrompu, les yeux injectés de sang et le souffle coupé. Ensuite, tout se passa très vite: il se mit à avancer d'un pas furieux, en une droite d'un rectiligne parfait, monta sur la scène, se plaça en plein centre, ouvrit grand les bras vers le ciel. De son bas-ventre, on entendit sourdre un appel qui remonta vers sa gorge pour faire exploser ses lèvres et rejaillir dans toutes les langues de la terre disant: "je me meus, j'émeus, je suis verbe". Puis sa petite carcasse dure et rouge se transforma en guépard qui en courant vite se transforma en aigle pour se mettre à voler dans un vrombissement de cri strident emplissant l'espace de son et de mouvement et ensuite, dramatiquement faire un piqué et s'écraser sur scène pour retrouver sa forme originale, évanoui.

Tous étaient médusés du spectacle. Tous sauf Terese, qui opéra un demi-tour pour faire face à ses compatriotes et dit: "Sachez maintenant que Satan est un homme de Théâtre". Elle releva un peu plus la tête et continua" C'était à prévoir". Elle fit de nouveau demi-tour et quitta, faisant retentir ses pas sur le marbre indifférent et luisant.

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