dimanche 23 mai 2010

La transmutation du chant

C'est arrivé ainsi:

Adrianna Gourd répétait dans son studio avec Henri, son fidèle pianiste. Elle interprétait une longue mélodie de Richard Strauss. Ils répétaient depuis une heure quand Adrianna eut un hoquet des plus impromptus et des moins élégants: le pianiste cessa derechef son accompagnement. Elle eut l'air très étonnée, regarda vers le ciel, leva tranquillement la main, inspira et se mit à produire un grondement sourd qui s'amplifia en un long glissando ascendant agité d'un vibrato frénétique. La fréquence ne cessait de monter et les murs et les fondations de la maison se mirent à trembler en sympathie avec son vibrato. Toute l'île cessa de vaquer sous l'emprise du long chant d'Adrianna. On retint son souffle et on regarda dans la direction de sa maison qui commençait à s'effondrer. La montée vers l'aigu s'accéléra ensuite et la voix se brisa en mille éclats de son qui semblaient tomber, telle une pluie fine sur l'île. À ce même moment, la maison fut pulvérisée en un nuage de poussière blanche duquel s'échappa une corneille.

Puis le silence vint. Et il n'y avait que la poussière de la maison détruite qui s'estompait peu à peu du ciel insulaire.

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