samedi 27 février 2016

Pégase

L'homme au bouclier était arrivé au bord de l'enclos, il y a deux ans et demi.
Il était étrange, sans poil. Ferme et fermé.

Il s'était approché et Pégase avait reculé, sans fuir.

Du bord de l'enclos, l'homme au bouclier avait tendu une poignée d'herbe fraîche. Pégase ne bougea pas, mais son oeil sourcilla.

Il partit, mais Pégase était demeuré interloqué. Lui, si splendide, avec sa robe de houille, qui d'ordinaire, conquérait et montait, avait été saisi de stupeur. On essayait de l'attirer.

Cela prit un temps avant que l'homme au bouclier ne revienne. Mais pas trop de temps.

À ce moment, Pégase devint plus nerveux. Qu'allait-il faire?
Il reprit sa gerbe d'herbe fraîche, mais siffla. Un siffle léger, modulé et clair.

Je crois que cela fit jaillir une vieille mémoire de quelque chose de bien et de bon, et Pégase s'approcha. Un peu timide, mais avec constance dans le pas.

L'homme tendit la main et le flatta, pendant plusieurs heures. Le museau, l'échine, le flanc, la croupe, le crin. Pégase, d'ordinaire nerveux, devint plus calme. L'homme quitta encore, mais plus lentement, avec cérémonial.

Il revint tous les jours pendant 1 an. Pégase jouait même...une transformation.
Il parlait peu, mais était présent. Il semblait souvent inquiet, et même des fois, un peu triste, mais il était souvent là, et tendre.

Un jour, il ouvrit la bouche et dit: Pégase, mon ami, je vais partir. Il pleura beaucoup avec des sons d'airain brisé, son bouclier tintant sur l'enclos. Pégase baissa la tête, souhaitant que ce ne fusse pas vrai.

Plusieurs fois, il revint, donner son amour à Pégase et Pégase était triste, parce qu'il ne voulait pas que l'homme partît.

Et Pégase se disait: Que faire lorsqu'on est qu'un cheval sans main pour retenir les gens????

Puis, il partit. Mais il envoyait des oiseaux qui venaient siffler des messages spéciaux.
Puis, un jour, Pégase dit à l'oiseau:

Oiseau, mon coeur est gros et tu dois dire à l'homme au bouclier de cesser de m'envoyer des siffles spéciaux, car l'eau s'amasse autour de mon coeur et je me noie en moi.


L'oiseau pleura en peu et s'envola.

Puis, le cirque arriva en ville. Avec ses propriétaires bruyants, les enfants méchants qui lançait des roches et Pégase se trouva seul dans la partie la plus reculée de l'enclos, fuyant le bruit et la méchanceté des hommes. Au moins, là-bas, il y a la forêt et tout ses amis animaux: l'écureuil, la brebis, le lama, les colombes, le canari, un tapir avec qui on rigole bien et c'est détendu.

Puis, un jour Pégase revint près de la ville, sortit de son enclos et vint mettre ses deux pattes d'en avant en pleine figure des deux méchants propriétaires.

JE NE SUIS PAS VOTRE PROPRIÉTÉ
DÉGAGEZ!, hennit le cheval en fracassant le visage des oppresseurs.

Cessez de me faire croire que vous me voulez du bien, dit-il plus bas en quittant.

Le cirque partit, les propriétaires défaits et brisés, dépossédés de ce qu'ils croyaient être leur bien.

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Pégase brouta. Il portait sa tristesse et souvent, elle lui était étrangère.

Homme au bouclier reviendras-tu? Non répondit la vallée, je ne sais pas dit la forêt.
Homme au bouclier, Pégase ne comptait pas assez pour que tu restes? le silence de l'hiver susurra: mauvaise question.
Homme au bouclier, tu m'as adopté, moi qui approche avec précaution et circonspection. Tu m'as flatté, je t'ai aimé et tu es parti. Et je suis triste. J'ai envie de dire pourquoi? Mais étant un cheval sauvage et aussi sage, je sais que pourquoi ouvre les portes de l'enfer et de ses vapeurs putrides, alors je m'en abstiens.

Je broute, je me dis que peut-être qu'un autre cheval sauvage saurait me tenir compagnie. Je me dis aussi que la prochaine fois, j'aurai moins peur, je serai plus confiant et je m'approcherai plus volontiers car ma robe de houille aime à se faire caresser.


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