mardi 13 juillet 2010

Grâce-Grace

Nous nous étions laissés sur ce moment de stupeur où la chanteuse s'était faite engouffrée par l'artichaut géant liquéfié. Les gens de l'île étaient à la fois soulagés de ne plus entendre les plaintes de la chanteuse, mais aussi triste d'avoir perdu une nouvelle créature si charmante. Après quelques heures, une figure humaine commença à émerger de la bouillie. Elle était droite et la gluance se dégageait d'elle sans laisser de trace sur son robe noire cintrée. Ses cheveux, courts, étaient à peine bouclés avec un certain volume, ses dents parfaitement droites, un sourire charmeur avec une pointe de coquinerie. Elle arborait des boucles d'oreilles scintillantes qui tintaient chaque fois que sa tête se mouvait et suivaient gracieusement les mouvements eux-mêmes gracieux de sa tête.

Une fois dégagée complètement de la glu, elle sourit à l'assemblée réunie. Elle sauta hors des débris de l'artichaut. Son saut semblait défier les règles de la gravité: impulsion minimale, courbe idéale, récepetion légère. En atterrissant, elle dit: bonjour! en faisant un léger salut, le genou fléchi. Elle tendit la main à Satan qui s'était approché: Grace.

Satan: Bonjour, madame. Fit-il en rougissant encore plus (si cela est possible).

Laissez-moi vous remercier de votre accueil en vous chantant quelque chose. Elle fit un petit signe de tête vers l'arrière et de l'artichaut commença à émaner des sons et force bulles. De longues plumes roses sortirent de la glu verte, celles de flamants roses sur de longues hampes. Puis des têtes sortirent peu après et ensuite des épaules, puis des violons, des coudes, des clarinettes: un orchestre complet émergeait de la putréfaction. Puis le clarinettiste toussa et cracha un gros blob de glu verte. Grace se tourna vers lui et lui dit: ça va. Il fit oui du chef et se mit en position de jeu.

Grace: Ce n'est pas le décor approprié, mais c'est tout ce que j'ai été capable de faire pour le moment: vous saurez me le pardonner. Je vous chanterai Grossmachtige prinzessin de R. Strauss pour fêter mon arrivée sur cette île, tout cela accompagné de mon orchestre, les Artsy Choke.

Elle regarda le pianiste qui attaqua, léger, délié, concentré son accord, puis elle chanta, légère, impliqué, sans distance avec le texte, d'une voix coloré, modulée, parfois forte, parfois fragile, mais toujours présente. Et les musiciens jouèrent à la suite, des musiciens à la personnalité forte qui bougent, qui s'expriment. Pas de ces manches à balai qui jouent les notes sans passion et sans intelligence, pas des zombies au coeur desséché, des robots aux articulations rouillés. Non, des êtres forts et puissants, sensibles et fragiles. Oui!

Tout le monde se coucha dans le gazon et ce fut un moment inoubliable où tous pleurèrent, rirent, allant en soi et en sortant. Magnifique apparition de la grâce dans l'île et en nous! Merci. Enfin.

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