lundi 10 mars 2008

Jean Courtemanche confessé

Jean est assis dans son fauteuil depuis plus d'un mois...Réjeanne n'aime pas trop ça, mais ne s'inquiète pas. Jean non plus n'aime pas ça et il triche en allant voir les chantiers, mais toujours déguisé afin que personne ne le remarque. Au moins, il s'amuse à changer de déguisement: une vieille dame, un clown, une mascotte de Baseball mineur, un inspecteur du gouvernement.

Un jour d'une visite travestie sur un chantier d'une Église Baptiste, il regardait l'avancée des travaux en travers de la clôture. Il constatait satisfait l'allure de la bâtisse et le rythme des employés. Soudain, il entend quelqu'un s'éclaircir la gorge derrière lui. Il se retourne surpris et voit le prêtre baptiste, évangile en main, le regarder.

Prêtre: Vous avez besoin de vous confesser, mon frère.
Jean Courtemanche: Non, non. Merci.
P: Avez-vous vu un point d'interrogation à la fin de ma phrase? Regardez: Vous avez besoin de vous confesser, mon frère.
J: Ah non, c'est bien vrai...il n'y en a pas!
P: Venez vous confesser.

Le prêtre se dirigea vers deux toilettes chimiques bleues, dressées côte à côte. Jean le suivit, hésitant et à une courte distance, dit:
J: Ce ne semble pas être un lieu approprié pour se confesser.
P: Pas plus qu'un habit de clown pour un entrepreneur en construction ecclésiastique.

Il dit cette dernière phrase sans se retourner et en empoignant vigoureusement la porte de la toilette chimique pour s'y engager d'un geste preste. Jean regarda ses souliers courbés de Clown, vue qui était légèrement obstruée par le nez rouge apposé au bout de son propre pif. La dernière remarque l'avait convaincu de la valeur de l'homme de foi.

Il entra dans la cabine de plastique bleue et un portillon s'ouvrit doucement à sa droite.

P:Vous devez conserver vos culottes en tout temps. C'est une installation temporaire.
J: Bien sûr, mon père.
P: Frère, je suis baptiste...
J: Désolé.
P: Dites-moi l'objet de votre trouble.
J: Je ne peux plus m'abandonner à mon travail avec joie et démesure. J'ai peur et je suis triste. Je suis aussi confus.
P: Une chose à la fois...pourquoi êtes-vous confus?
J: J'ai peur que mon amour me mène à la souffrance.
P: L'amour mène à la souffrance, ou du moins partiellement.
J: J'ai peur que la souffrance dépasse l'amour que j'éprouve.
P: Voilà qui est mieux dit. Est-ce arrivé?
J: Non, j'ai arrêté à temps. Mais j'ai souffert.
P:Et vous avez peur de???
J: Me retrouver dans la même situation
P: Alors, il faut faire différemment
J: Je sais, mais je n'ai pas trouvé.
P:Et vous êtes triste de quoi?
J: De ne plus entretenir une relation idéale avec mon travail.
P: Entretenez-vous une relation idéale avec votre femme
J: Réjeanne? Ça fait 35 ans que nous sommes ensemble!
P: Vous l'aimez?
J: oui, beaucoup.
P: Donc vous pouvez aimer votre travail sans avoir une relation idéale avec celui-ci.

Jean reste muet.

P: Je vous souhaite de faire votre travail dans la joie, mais je ne vous souhaite pas la démesure. Dieu préfère la sincérité à la quantité...surtout ces jours-ci!
J: Merci, mon Père.
P: Frère...

P: J'ai d'autres questions. Pourquoi êtes-vous déguisé en clown?
J: Je trouvais ça drôle et j'aime ça que mes employés soient décontenancés. Et en plus, j'aime bien me déguiser en femme...c'est une petit fantasme...j'ai lu dans un livre qu'il fallait exprimer son côté féminin.
P: Je vois.
J: Moi, j'ai une question. Pourquoi confessez-vous les gens sans qu'ils le demandent? Pourquoi travaillez-vous quand votre église n'est pas encore bâtie et pour quelqu'un qui ne fait pas partie de votre communauté? Et même de vous emménagez une confesse-o-jiggs?
P:Parce que c'est ma mission. J'aime aider les gens. Et le monde est mon église.
J: Mais, votre travail, il ne vous fait jamais chier? Oh Pardon, mon Père, eeuuuuhh, Frère.
P: Oui, bien sûr, ma mission est tellement claire que j'en oublie facilement les désagréments. Et puis je les ai aussi balayés avec le temps.
J: Est-ce que ça veut dire que ma mission n'est pas de bâtir de cathédrale? dit-il, d'une voix remplie de crainte et de désespoir
P: Peut-être. Mais je crois surtout que c'est une partie de votre travail qui ne vous appartient pas. Je pense que vous devriez cesser de vous voir comme un employeur ou du moins comme un bon employeur. Votre spécialité est la construction de cathédrale, pas la gestion d'une équipe. Vous devriez avoir quelqu'un pour faire ça. Vous concentrer sur votre véritable talent: créer un lieu où Dieu et les hommes se rencontrent dans la confidence, la joie et la tristesse. Travaillez pour vous!

L'homme d'Église se leva rapidement et sortit de la toilette chimique en expirant bruyamment: il avait fait toute sa confesse sur un seul souffle. Un miracle.

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