mercredi 17 décembre 2008

Anselme veut savoir

J'étais assis sur le bord de la cathédrale, fumant un calumet. Anselme s'est planté devant moi et lança à mes pieds un volatile mort.

A: Tiens, j'ai chassé cette poule pour toi!

Je regardai tristement la bête. C'était un magnifique faisan plein de panache avec une hampe de plus comme mille feux.

M: c'est un faisan, Anselme.

Il sembla alors interloqué, ne sachant pas trop ce que c'était. Il joua un peu avec la terre du bout de son pied et je l'invitai à s'asseoir auprès de moi. Il s'assit visiblement tendu de notre rencontre.

A: Tu as quelque chose à me dire, je le sais. Je te vois me regarder de biais depuis plusieurs jours.

M: En effet.
A: Quoi?
M: Je me mis à sangloter. Je voulais te dire que je m'excuse, que je suis faible, que je me suis trompé, que je t'ai fait du tort. Je croyais que tu étais un ogre qui mangeait les petits enfants, qui les auraient écrasés et détruits, mais c'était tout faux.
A: Pourquoi aurais-je fait cela?
M: Je ne sais pas, je le supposais. C'est ce que je voyais.
A: C'est ridicule! Tu es un pauvre con! Tu ne t'es pas occupé de moi sur de fausses assomptions, craignant que quelque chose arrive! C'est ridicule!
M: Je sais. Je dois te mettre par contre en garde: je vois que tu te dépasses, que tu deviens quelqu'un, que tu repousses tes limites, mais je sais que tu fais cela pour attirer mon attention, pour me prouver que j'avais tort, pour te montrer extraordinaire, digne de mon attention. Mais c'est une erreur ou à tout le moins une mauvaise motivation: tu aurais seulement pu être ordinaire, ou à tout le moins, seulement toi-même pour que je te supporte, c'est moi qui étais en faute et non pas toi! Je dois te prévenir que c'est une voie sans issue que celle-là. Je m'y suis essayé longuement, sans résultat. Je crois que je me fatigue énormément à prouver au monde que je suis extraordinaire. C'est un esclavage et souvent ça me rend triste. Il est vrai que j'ai acquis beaucoup de compétences, de vertus et d'expériences ainsi, mais ma jouissance et les résultats sont limités.
Je t'en conjure...fais-le pour toi. Essayer d'être plus parce que l'on est pas assez pour quelqu'un, c'est vain.

Il me regarda, soufflé. Aspira dans le calumet, s'étouffa et partit.

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